Pourquoi la science moderne n’a pas remplacé les religions ?

Il y a un peu plus de 50 ans, en 1966 exactement, des anthropologues prédisaient avec confiance la disparition mondiale de la religion au profit d'une science en pleine évolution : « La croyance en des pouvoirs surnaturels est condamnée à disparaître partout dans le monde. Résultat de l'adéquation et de la diffusion croissante des connaissances scientifiques ». Aujourd'hui, ces propos sont très loin du compte.
pourquoi la science moderne na pas remplace les religions
Crédit d'image : EHO
Publié le 17 novembre 2017, par Samir | 23 h 45 min
Temps de lecture : 6 minutes

Les sciences sociales modernes, qui ont pris forme dans l’Europe occidentale du XIXe siècle, ont tiré leur propre expérience historique récente de la sécularisation comme modèle universel. A cette époque, on présumait que toutes les cultures finiraient par converger vers une sorte de démocratie laïque, occidentale et libérale. Ce n’est pas vraiment le cas aujourd’hui, c’est plutôt même le contraire.

La laïcité qu’on entend au sens de l’athéisme n’a pas réussi à poursuivre sa marche mondiale. Des pays aussi divers que la Turquie, l’Iran, l’Inde, Israël et l’Algérie par exemple, ont vu leurs gouvernements séculaires remplacés par des gouvernements religieux, ou ont vu naître des mouvements nationalistes religieux influents. La laïcisation, prédit par les sciences sociales, a échoué.

La France, pays numéro 1 de l’athéisme

Dans les pays occidentaux en revanche, on continue d’assister au déclin des croyances et des pratiques religieuses. La France fait même figure de champion du monde de l’athéisme. En 2012, Selon l’étude de l’association de sondages WIN/Gallup International, spécialiste de la question religieuse, 63% des Français ne s’identifient à aucune religion. De même en Australie où les données de recensement les plus récentes montrent que 30% de la population s’identifie comme n’ayant aucune religion. Des enquêtes internationales confirment des niveaux relativement faibles d’engagement religieux en Europe occidentale.

Même aux États-Unis, on constate une augmentation. Avec environ 3%, le pourcentage d’athées aux États-Unis restent cependant très faible, du moins officiellement. Il n’est pas bien vu pour un « bon » américain de dire qu’il est athée. Un sénateur de Californie en avait fait les frais il y a quelques années. En 2014 également, un sergent de l’armée de l’air qui a refusé de prêter serment s’était alors vu menacé de renvoi. Au plus haut sommet de l’état, Donald Trump a juré comme ses prédécesseurs sur la Bible. Le texte officiel du contenait la phrase « So help me God », (« Que Dieu me vienne en aide »).

A l’échelle mondiale, le nombre de personnes qui se considèrent comme religieuses reste élevé. Les tendances démographiques nous dirigent vers un modèle global pour l’avenir immédiat qui sera celui d’une croissance religieuse. Ce n’est pas le seul échec de la thèse de la laïcisation en tant que religion.

Les scientifiques, les intellectuels et les spécialistes des sciences sociales s’attendaient à ce que la diffusion de la science moderne entraîne la laïcisation, cette science serait une force sécularisante. Mais cela n’a tout simplement pas été le cas. Les États-Unis sont sans doute la société la plus avancée sur le plan scientifique et technologique dans le monde, et pourtant, en même temps, la plus religieuse des sociétés occidentales. Il n’y a pas de relation cohérente entre le degré de progrès scientifique et un profil réduit d’influence religieuse, de croyance et de pratique.

Imposer une forme d’athéisme, un danger pour la science

L’histoire de la science et de la sécularisation devient encore plus intrigante quand on considère les sociétés qui ont été témoins de réactions significatives contre les programmes laïques. Premier ministre de l’Inde Jawaharlal Nehru a défendu les idéaux laïques et scientifiques, et enrôlé l’éducation scientifique dans le projet de modernisation. Il était convaincu que les visions hindoues et musulmanes succomberaient toutes les deux à l’inexorable marche historique de la sécularisation. Mais, comme l’atteste l’ascension subséquente de l’intégrisme hindou et islamique, Nehru avait tort. De plus, l’association de la science à un programme de laïcisation s’est malheureusement retournée contre elle. La science étant aussi devenu une victime collatérale de la résistance à la laïcité.

La Turquie fournit un cas encore plus révélateur. Comme la plupart des nationalistes pionniers, Mustafa Kemal Atatürk, le fondateur de la république turque, était un laïc engagé. Atatürk croyait que la science était destinée à déplacer la religion. Afin de s’assurer que la Turquie était du bon côté de l’histoire, il a donné à la théorie de l’évolution une place centrale dans le système d’éducation publique. En conséquence, l’évolution a été associée à l’ensemble du programme politique d’Atatürk, y compris la laïcité. Les partis islamistes en Turquie, cherchant à contrer les idéaux laïques des fondateurs de la nation, ont alors attaqué l’enseignement de l’évolution. Pour eux, l’évolution est associée au matérialisme laïque. Ce sentiment a culminé dans la décision prise en juin dernier de retirer l’enseignement de la théorie de l »évolution. Encore une fois, la science est devenue une victime.

Dans le cas des États-Unis l’anti-évolutionnisme est en partie motivé par l’hypothèse que la théorie de l’évolution est un cheval de bataille pour le matérialisme laïc et ses engagements moraux. Comme en Inde et en Turquie, l’imposition de la laïcité en tant que religion nuit réellement à la science.

« Un peu de science vous éloigne de Dieu. Beaucoup vous y ramène »

C’est assez contradictoire car que les plus grands scientifiques ont tous reconnu l’existence d’un Dieu. On peut citer parmi-eux Nicolas Copernic (fondateur de la cosmologie héliocentrique), Johannes Kepler (fondateur de l’astronomie physique), Galilée (fondateur de la physique expérimentale), William Harvey (fondateur de la médecine moderne), Robert Boyle (fondateur de la chimie moderne), John Ray (fondateur de la biologie moderne), Isaac Newton (fondateur de la physique classique), Louis Pasteur (fondateur de la microbiologie), William Thomson Kelvin (fondateur de la thermodynamique) et Albert Einstein (fondateur de la physique théorique moderne).

Bref, la laïcisation mondiale n’est pas inévitable et, quand cela arrive, n’est pas causée par la science. De plus, lorsque l’on tente d’utiliser la science pour faire progresser la laïcité, les résultats peuvent nuire à la science. La thèse selon laquelle « la science provoque la laïcisation » échoue tout simplement au test empirique, et l’enrôlement de la science en tant qu’instrument de sécularisation s’avère être une mauvaise stratégie.

Alors pourquoi un tel combat ? Les réponses sont politiques. Laissons de côté toute appréhension pour l’histoire du 19e siècle, la peur du fondamentalisme islamique, l’exaspération du créationnisme, l’aversion pour les alliances entre la droite religieuse, le déni du changement climatique et les inquiétudes quant à l’érosion de l’autorité scientifique. Bien que nous puissions avoir de la sympathie pour ces préoccupations, poursuivre avec ce plaidoyer est susceptible d’avoir un effet contraire à celui prévu.

La religion ne disparaîtra pas et la science ne la détruira pas, au contraire. La science a besoin de tous les amis qu’elle peut avoir. Ses défenseurs seraient bien avisés de cesser de fabriquer un ennemi à partir de la religion, ou d’insister sur le fait que la seule voie vers un avenir sûr réside dans un mariage de la science et de la laïcité.

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