Le boycott israélien (BDS) antisioniste est-il puni par la loi française et européenne contre l’antisémitisme ?

En juillet 2017, le président Emmanuel Macron avait affirmé en présence de Benjamin Netanyahu, lors de la commémoration de la rafle du Vél’ d’Hiv’, qu’il ne « céderait rien à l’anti-sionisme, car il est la forme réinventée de l’antisémitisme ». Qu'en est-il aujourd'hui ?
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Crédit d'image : REUTERS
Publié le 18 novembre 2018, par Samir | 16 h 44 min
Temps de lecture : 7 minutes

Il y a quelques jours, le Premier ministre Edouard Philippe a fait part de son inquiétude quant à la recrudescence (+69 %) des actes antisémites en France, ce qui est bien sûr condamnable. L’islam interdit toute forme de racisme, et le racisme anti-juif en fait partie. Prétendre que les textes religieux disent le contraire serait méconnaître la religion musulmane et les finalités de la charia.

En revanche, dire qu’il faut traiter « l’antisémitisme de façon individuelle, (…) pas comme la lutte contre l’ensemble des haines », comme le demande Francis Kalifat aux autorités, cela peut porter à confusion. Doit-on considérer la haine contre les juifs plus grave que la haine contre les chrétiens, les musulmans ou les athées ? Dans cette hypothèse, ce n’est pas acceptable.

Ce qui est vrai, c’est que le problème de la haine des juifs ne se traite pas de la même façon que le problème de la haine des musulmans ou d’autres religions. Il y a sans doute un socle commun, mais pour traiter ces fléaux en profondeur que sont l’antisémitisme et l’islamophobie, les approches sont différentes.

L’influence israélienne à la conférence de Bruxelles de novembre

Lors d’une conférence de 2 jours à Bruxelles, des responsables israéliens et leurs partisans européens ont lancé leur vaste campagne européenne anti-BDS. Organisée par des institutions traditionnelles, telles que le Congrès juif européen (European Jewish Association, EJA) et le groupe Europe Israel Public Affairs (EIPA), la conférence a été soutenue par le ministre israélien des Affaires de Jérusalem, Ze’ev Elkin.

Sous le prétexte habituel de s’attaquer au danger de l’antisémitisme en Europe, les participants ont délibérément confondu le racisme et toute critique d’Israël, de son occupation militaire et de la colonisation de la terre palestinienne. Bien qu’assimiler la condamnation des pratiques illégales d’Israël au racisme contre tous les juifs est au cœur de la hasbara israélienne, implanter de la propagande officielle dans les agendas politiques des gouvernements occidentaux est un exercice périlleux.

D’autre part, la conférence annuelle de l’EJA a soulevé la manipulation du terme antisémitisme en rédigeant un texte qui devrait être présenté aux futurs membres du Parlements européen. Définissant le boycott d’Israël (donc tout soutien du mouvement BDS) comme équivalent à l’antisémitisme, le texte israélien constituera probablement un pas en avant vers la criminalisation de toute critique du gouvernement israélien.

Les lois anti-boycott en mouvement

En décembre 2016, le Parti chrétien démocrate de la chancelière allemande Angela Merkel a adopté une résolution assimilant le boycott à Israël et les points de vue et pratiques antisémites. Trois ans plus tôt, en 2013, un groupe de militants français avait été inculpé en vertu de la loi anti-discrimination « Loi Lellouche » pour son soutien au mouvement BDS. Leur crime était d’appliquer des autocollants pro-palestiniens sur des produits importés d’Israël dans un supermarché de la ville de Mulhouse.

Les mesures de répression prises à l’encontre des partisans du BDS se sont même étendues à des pays européens traditionnellement considérés comme particulièrement sensibles à la lutte palestinienne. Dans le cas de l’Italie, qui est maintenant sous l’emprise des partis politiques d’extrême droite, le projet de loi 2043 décrit le boycottage d’Israël comme un « antisémitisme masqué ». Si elle est approuvée, la législation fournira une justification légale pour inculper et punir les militants du boycott.

Il semble donc que l’Europe ne soit pas loin derrière leurs homologues américains. Aux États-Unis, 25 États ont déjà adopté une législation anti-boycott ou émis des décrets visant les réseaux de soutien BDS, tandis que d’autres États sont en train de faire de même. Au niveau du gouvernement fédéral, la loi anti-boycott du Congrès israélien, reçue avec beaucoup d’enthousiasme par les législateurs américains, promet d’amender et d’emprisonner ceux qui boycottent Israël.

Alors que la société civile s’oppose fermement à de telles violations flagrantes des principes fondamentaux de la liberté d’expression, les militants pro-israéliens sont décontenancés. Dans la ville texane de Dickinson, dévastée par l’ouragan Harvey l’an dernier, les victimes de l’ouragan ont été invitées à signer un engagement de ne pas boycotter Israël en échange d’une aide humanitaire vitale.

Un groupe de travail « Maccabée »

Depuis sa création officielle en 2005, BDS a perturbé Israël plus que toute autre initiative de la société civile dans le passé. Dès le début, le mouvement a été structuré de manière à représenter un modèle de résistance populaire non centralisé, non hiérarchisé, qui ne peut pas être facilement démantelé, écrasé ou « neutralisé ».

Quand Israël a commencé à sentir le danger croissant du BDS, les riches partisans d’Israël ont réagi en soutien à Tel-Aviv. Sheldon Adelson, l’un des hommes les plus riches des Etats-Unis, est rapidement entré en action en créant le « Maccabee Task Force », qui a permis de collecter des millions de dollars pour lutter contre la délégitimation du pays comme un « État juif ».

Yossi Kuperwasser, l’un des principaux experts en matière de renseignement et de sécurité, est l’un des premiers agitateurs israéliens contre le BDS . Il y a près de 10 ans déjà, ce visionnaire a mis en garde contre la réponse médiocre de Tel Aviv aux militants du BDS. Peu après la guerre d’Israël de 2008-2009 qui a tué et des milliers de palestiniens dans la bande de Gaza assiégée, Kuperwasser a déclaré : « Le problème fondamental n’est pas de savoir s’ils vont nous boycotter ou ne pas nous boycotter. Ils vont réussir à implanter dans le discours international qu’Israël est illégitime en tant qu’État juif. » (…) L’antisionisme et l’antisémitisme sont la même idée sous un nouveau manteau ». Par conséquent, tous les partisans de la lutte palestinienne sont essentiellement antisémites.

Les débuts de la théorisation de Kuperwasser sont désormais la stratégie principale adoptée par le gouvernement israélien, où le ministère des Affaires stratégiques, dirigé par Gilad Erdan, est doté actuellement d’un budget de 72 millions de dollars .

L’euphorie anti-BDS qui a balayé Israël ces dernières années a donné lieu à plusieurs conférences surpeuplées et passionnées dans des hôtels de luxe, où des responsables israéliens ont ouvertement menacé des militants du BDS, tels que Omar Barghouti. Il est emprisonné depuis mars 2017, accusé de fraude fiscale à hauteur de 700 000 dollars.

Depuis, la Knesset israélienne (le Parlement) a adopté l’interdiction d’entrée dans le pays à tout ressortissant étranger qui « a sciemment lancé un appel public au boycott de l’État d’Israël ». Depuis l’entrée en vigueur de l’interdiction, de nombreux partisans du boycott ont été arrêtés, expulsés et empêchés d’entrer dans le pays.

Le boycott israélien en France légal ou pas ? Et en Europe ?

Au Royaume-Uni, l’Université de Leeds s’est associée à de nombreux autres campus du monde entier pour se désinvestir d’Israël. Elle devient ainsi devenue la première université Outre-Manche à mettre en œuvre la lettre « D » de la campagne BDS (Désinvestissement), en liquidant ses actifs au capital de 3 entreprises coupables de collaboration militaire avec Israël.

En Allemagne, la cour administrative de la ville d’Oldenburg, a décidé que la décision de la mairie d’annuler un événement organisé par BDS en 2016 était illégale, considérant que le conseil municipal a « porté atteinte au droit fondamental de liberté de rassemblement », ainsi qu’à la liberté d’expression, « gravement attaquée ».

En France, la balance judiciaire penche contre le boycott. En effet, 2 arrêts de la Cour de cassation du 20 octobre 2015 ont condamné 14 militants du mouvement BD à 28 000 euros de dommages et intérêts aux parties civiles et chacun à une amende de 1 000 euros avec sursis.  Ils avaient appeler au boycott des produits en provenance d’Israël dans un magasin Carrefour en 2009 et 2010. L’enseigne n’avait pas porté plainte car aucune dégradation ni entrave au fonctionnement du magasin n’a été constaté, ni aucun propos antisémite.

La plus haute juridiction française confirme donc que la liberté d’expression n’est pas bafouée. Ce cas pouvant faire jurisprudence, et à la différence de certains pays de l’Union Européenne, appeler ouvertement au boycott de produits israéliens en France est illégal et peut conduire à une condamnation judiciaire.

 

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